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Héroïque soldat de la reconquête.

Fernand Balichard est né le 13 août 1924 à Sail-sous-Couzan. Orphelin de mère et fils d’une famille de dix enfants, il se retrouve placé à 11 ans chez sa tante à Saint-Étienne. Il est âgé de 16 ans lorsque sonne l’Armistice de juin 1940 et, en quête d’idéal, il rêve déjà de liberté.
« J’ai beaucoup vécu avec des personnes qui avaient fait la guerre de 14-18. J’aimais les écouter et je les ai toujours vénérées ».
En avril 1942, avec une dispense d’âge accordée par le gouvernement de Vichy (il n’a pas 18 ans), il s’engage dans l’Armée française et se retrouve incorporé à Perpignan. Il a à peine le temps de débuter ses classes qu’il se porte volontaire pour rejoindre l’Afrique du Nord avec l’envie et l’espoir de pouvoir rallier l’Angleterre. Le 14 juin 1942 il débarque à Oran et intègre le 1er Bataillon du Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc.

Novembre 1942 : il rejoint les américains.

Le débarquement américain en Afrique du Nord en novembre 1942 va tout changer. « On est resté un moment dans l’expectative mais on n’allait quand même pas tirer sur des gens qui voulaient nous libérer ! » raconte-t-il.
Les Français vont donc rallier la bannière étoilée, tourner le dos au gouvernement Vichy et suivre l’instruction militaire avec les Américains. « C’est là où l’Armée française a commencé à se moderniser. On avait une guerre de retard ! On était encore en bandes molletières au Maroc ! On était en extase devant leur matériel, leurs jeeps, leurs chars Sherman, on était abasourdis, on n’avait jamais vu ça ! »

Août 1944 : il débarque en Provence.

Dans les rangs de la 9è DIC, « Bali » le Stéphanois (c’était son surnom) est transporté en Corse début 1944. Il s’agit d’abord de s’emparer de l’ile d’Elbe. Les Sénégalais et les commandos s’en chargent. Le 21 août, pratiquement pour ses 20 ans, Fernand Balichard participe, le fusil à la main, au débarquement en Provence près de Sainte-Maxime. Toulon puis Marseille tombent rapidement.
De la Provence, les troupes commandées par De Lattre foncent sur Lyon. « Bali » dort à Tassin le 3 septembre mais n’a pas le temps de faire un crochet jusqu’à Saint-Étienne. « Beaucoup de maquisards et de partisans nous ont rejoints, ceux du Mont-Mouchet, de Saône-et-Loire et le bataillon des mineurs de la Loire » précise t-il.
L’automne dans le Jura et dans les Vosges est plus difficile. « Le nerf de la guerre c’était l’essence qui n’arrivait pas bien. On dépendait des Américains ». Le régiment du soldat Balichard fonce jusqu’à Delle à la frontière suisse. « Les Allemands étaient en train de faire leur jus et de cuire le pain quand ils ont été cueillis par l’infanterie de chez nous ».
À l’approche de l’Alsace la résistance allemande est forte : « Il fallait faire du plat ventre par moment. Il y avait des Allemands partout ».

Avril 1945 : il franchit le Rhin.

En Janvier 1945 le front se stabilise dans le secteur de la poche de Colmar. Le 2 avril, son régiment d’infanterie coloniale franchit enfin le Rhin sur un pont construit par les Américains. La 9è DIC poursuit sa mission au cour de la Forêt Noire jusqu’au jour de la capitulation nazie. La 1ère Armée française « Rhin et Danube » qui amalgame des forces françaises d’Afrique du Nord et des forces françaises de l’intérieur venait de rentrer dans l’histoire.

Noël 1945 en Indochine.

Fernand Balichard a ensuite rejoint l’Indochine où il débarqua le jour de Noël 1945 avec tout le corps expéditionnaire pour y assurer ce qu’on appelait au début « le maintien de l’ordre » avant de devenir la guerre d’Indochine (1946-1954). Il devait finalement rentrer en France le 15 avril 1947 au terme de son engagement. Il a ensuite fait toute sa carrière civile à la SNCF comme chauffeur à Saint-Étienne, Clermont-Ferrand et pour finir à Lyon.

Fernand Balichard, engagé volontaire d’avril 1942 à avril 1947 a été cité trois fois à l’ordre de son régiment. Il a été décoré de la médaille militaire, de la médaille des territoires d’Outre-mer et il est titulaire de la Croix de Guerre. Il était également vice-président départemental de l’association « Rhin et Danube ».

Fernand Balichard s’est éteint le 6 mai 2003 à l’âge de 79 ans à l’avant-veille de la commémoration du huit-mai 1945 qu’il ne manquait jamais.

 

Extraits d'un entretien de mai 2000 réalisé par Pierre THIOLIÈRE :

Où étiez-vous le 8 mai 1945 ?
« On était en attente dans la Forêt-Noire. On a appris la capitulation par la radio. C’était partout la débandade. Dans les villages allemands, les gens accrochaient des draps de lit aux fenêtres en signes de drapeaux blancs. On a fait un peu la bringue, on a bu du schnaps, mais on se tenait quand même sur nos gardes. On ne savait pas encore si on avait éliminé tous les « loups garous » qui voulaient faire de la résistance dans la Forêt-Noire ».
Qu’avez-vous fait ensuite ?
« Je suis revenu le 10 mai 1945 en permission à Saint-Étienne. C’était ma première permission depuis 1942. J’ai eu droit à 15 jours. On avait dit à ma tante que j’étais porté disparu en Italie alors que je n’y avais jamais mis les pieds. Puis je suis allé voir mon ancien patron, il m’a même donné 500 francs. Il m’a proposé de me reprendre quand je reviendrais. Il avait de l’espoir ! ».
Mais vous étiez engagé dans l’Armée…
« Oui, je suis reparti en Allemagne rejoindre la 9è DIC. On était désigné pour le Pacifique. Là-bas la guerre n’était pas finie. On devait rejoindre les « marines » américains aux Philippines. On est descendu en train sur Marseille avec tout le matériel. Et puis en août il y a eu la bombe atomique qui a mis fin à la guerre avec le Japon. Alors on a changé de direction pour rejoindre l’Indochine. J’y suis arrivé pour Noël 1945 après 28 jours de cargo ».
C’était une autre guerre ?
« On était là-bas pour remettre de l’ordre. On faisait partie du corps expéditionnaire. Ce n’était pas la même guerre, c’est des embuscades et la guérilla. J’ai perdu un frère en Indochine (*). C’est Leclerc qui commandait le corps expéditionnaire. Il avait vite compris qu’il fallait leur donner l’indépendance. Il fallait toujours être sur le qui-vive. Le climat était pénible, j’ai perdu 17 kilos ».
Vous y êtes resté longtemps ?
« Je suis rentré en France le 15 avril 1947, j’avais fini mon temps d’armée et j’avais même fait du rabiot. On m’a proposé de rempiler, mais j’ai dit non. Je suis retourné à la vie civile. Ensuite j’ai fait toute ma carrière à la SNCF comme chauffeur, à Saint-Étienne, à Clermont et pour finir à Lyon ».
Vous êtes membre de l’association « Rhin et Danube »…
« Cette association regroupe tous les anciens de la 1ère Armée française qui ont participé à la conquête du Rhin au Danube. Sur le département de la Loire on est pas loin de 200 avec plusieurs sections. Je suis vice-président départemental. On a un journal national qui parait tous les deux mois, on participe aux cérémonies commémoratives. Malheureusement on est de moins en moins nombreux, chaque année il y a de nouveaux décès ».

(*) Julien Balichard, né en 1930 à Sail-sous-Couzan, a suivi l’exemple de son frère en s’engageant dans la Marine Nationale le 9 mai 1949 pour une durée de 5 ans. Le 1er juin 1950, il est affecté au Commando de Marine « François » en Indochine.
Lors du tristement célèbre combat de Ninh Binh (Tonkin) il est tué au combat par les Vietminh le 29 mai 1951. Médaille militaire. Citation à l’ordre de l’Armée de Mer, citation à l’ordre du Corps d’Armée et Citation à l’ordre du Régiment : « Dans les combats du 29 mai 1951 à Ninh Binh (Tonkin) a opposé une résistance opiniâtre à un adversaire supérieur en nombre et en armement, évitant, par son sacrifice, de lourdes pertes aux unités du secteur, surprises par l’attaque. Tombé glorieusement au cours de la sortie faite par le commando pour échapper à l’encerclement ».

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