Un mineur lensois inscrit sur le monument aux de Villars.
Parmi les 94 noms inscrits sur le monument aux morts de la commune, un a pendant fort longtemps intrigué les Villardaires intéressés par le sujet. Il s’agit de Louis Noreuil. Un patronyme qui n’a effectivement aucune origine ni à Villars, ni dans la région. L’édifice porte l’inscription « Villars à ses enfants morts pour la France » durant la Grande-Guerre. Mais alors qui est ce Louis Noreuil qui serait un enfant de Villars ?
Son nom ne figure pas dans la liste officielle des morts pour la France et il a été rajouté en bas de colonne et pas dans l’ordre alphabétique sur le monument aux morts. On le retrouve aussi inscrit sur la plaque commémorative de l’église.
Autant d’indices qui tendent à démontrer que la Municipalité locale alors conduite par Louis Soulier a longuement réfléchi avant de rajouter ce nom qui n’était pas d’ici.


Des centaines de réfugiés à Villars.
Mais pour comprendre ce choix, il faut se remettre dans le contexte de l’époque. À partir de 1915, Villars a accueilli de nombreuses familles en provenance de ce qu’on appelait alors « les régions envahies » à savoir le Nord, le Pas-de-Calais et la Belgique.
Des recherches toujours en cours dénombre à 560 personnes cet afflux de population dont une partie est restée ici jusqu’au milieu des années 20, certaines familles ayant même fait souche à Villars en s’y implantant.
Durant la guerre, le bassin houiller stéphanois devenu particulièrement stratégique a aussi eu besoin de main d’oeuvre pour compenser le départ de ses mineurs partis combattre. Un savoir-faire que les mineurs du Nord ont pu efficacement apporter. Ce fut le cas aussi à Villars, au puits de la Chana comme au puits Beaunier.
Louis Noreuil est né le 29 septembre 1879 à Vimy à 8 km au sud de Lens. Comme son père il a été mineur à la Compagnie des Mines de Lens. Sa mère tenait un petit cabaret à côté de la fosse. Lors de la mobilisation générale d’août 1914 en raison de son âge et de sa qualification, il est resté en sursis aux Mines de Lens jusqu’à l’invasion allemande.
Il a ensuite quitté le fond pour les tranchées en octobre 1914 en rejoignant les « Pépères » du 5è RIT. En mars 1915, il est affecté à un détachement de mineurs territoriaux qui allait prendre une part active à la guerre des mines, en creusant des galeries sous les tranchées ennemies. Ce qui vaudra à son détachement une citation à l’ordre du Corps d’Armée en mai 1915.
Mort de maladie, inhumé dans la crypte.
Mais de santé fragile, Louis Noreuil est évacué du front le 13 septembre 1915. On retrouve sa trace à l’hôpital de Nantes puis à celui de Jarnac où son état de faiblesse générale lui a valu de quitter le service armé pour le service auxiliaire. En février 1916 (alors que venait de débuter la grande boucherie de Verdun) il est placé en sursis d’appel aux Mines de la Loire. Il a rejoint son épouse et ses deux enfants, réfugiés à Villars. La petite famille habitait alors place de l’église. Hélas la santé de Louis Noreuil s’est dégradée au fil des mois. À peine âgé de 40 ans, il allait s’éteindre le 31 mai 1918 à son domicile à Villars « des suites de maladie aggravée en service ». Il n’a pas vu la fin de la Grande Guerre.
Inhumé au cimetière, sa dépouille a ensuite dû être transférée dans la crypte lors de son édification en 1922 comme le souhaitait Louis Soulier le maire de l’époque. Mais dans la liste préparatoire des noms à inscrire sur le monument, celui de Louis Noreuil ne figurait pas. Il a été rajouté plus tard alors que les inscriptions sur le monument étaient probablement déjà en cours. On le retrouve donc gravé dans la pierre en bas de colonne. Son nom est aussi inscrit sur le monument aux morts de Thélus (petit village à 10 km au sud de Lens) où il habitait avant-guerre.
Son épouse Elisa s’est remariée à Villars fin 1923 avec un réfugié du Nord, deux autres enfants sont nés de cette union à Villars. La famille est ensuite retournée dans la région de Lens vers 1924. Les descendants de Louis Noreuil y habitent toujours, sans savoir qu’à Villars leur aïeul a laissé une trace durable de son passage.
Sources : Mémoire des Hommes, registre matricule, état civil.
©H&P-Pierre THIOLIÈRE