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L’incroyable trève de Noël

L'incroyable trève de Noël pour les poilus du 99e RI.

Plusieurs soldats villardaires ont été incorporés au sein du 99è Régiment d’Infanterie (basé à Lyon et à Vienne) durant la Grande Guerre. Quatorze noms ont ainsi été relevés pour les premiers mois de guerre d’août à décembre 1914.
Ce régiment s’est distingué de plusieurs manières. D’abord par sa bravoure. Il a notamment subi de lourdes pertes fin août 1914 dans les Vosges. Il a aussi fait parler de lui en juin 1917, le Régiment connaissant alors des actes d’indiscipline collective.
Mais fait encore plus rare, le Journal de Marche et des Opérations fait état de fraternisation entre soldats français et allemands. Cela se passait dans les tranchées près de Foucaucourt-en-Santerre dans la Somme, du 24 décembre 1914 au 4 janvier 1915. Des soldats villardaires y étaient.

Soldats villardaires du 99è RI faits prisonniers en août 1914 :

  • Jules Beraud (de Curnieu, fait prisonnier en août 1914).
  • Jean-Pierre Bonhomme (du Breuil, fait prisonnier le 27 août 1914 à Saint-Dié).
  • Jules Meillier (du Bois-Monzil, fait prisonnier en août 1914).
  • Philippe Perrin (de la Gare, fait prisonnier en août 1914).

Soldats de Villars blessés ou tués en août 1914 :

  • Théophile Exbrayat (du Bois-Monzil, blessé en août 1914 à Saint-Dié).
  • François Michon (de Curnieu, tué à l’ennemi en août 1914).

Soldats combattants en décembre 1914 et qui ont connu les scènes de fraternisation :

  • Pierre Bonhomme (boucher à Villars).
  • Antoine Camier (de Pélussin, son épouse habitait au Bois-Monzil pendant la guerre, blessé en août 1914 près de Saint-Dié, tué au combat en septembre 1915 lors de l’offensive de Champagne).
  • Jean-Baptiste Durand (rue de la République).
    Benoit Foussat (rue des écoles).
  • Antoine Sabattier (rue de la République).
  • Jean Marie Thévenon (du Bois-Monzil).

24 décembre 1914 : Un Allemand ayant dépassé la tranchée de toute la hauteur du buste et étant sans armes, une patrouille sortit de notre tranchée pour inviter l’homme à se rendre. Cet Allemand déclara que d’autres camarades avaient l’intention de se rendre également. Questionnés, ils donnent de précieux renseignements sur l’ordre de bataille ennemi. D’après leurs dires une très grande animosité existe entre les Prussiens et les Bavarois.
25 décembre 1914 : Les tirailleries ont cessé brusquement chez les Allemands dès le point du jour. Un grand nombre de Bavarois sont sortis de leurs tranchées en faisant signe de ne point tirer sur eux, puis ils se sont avancés à mi-distance de nos tranchées et ont engagé la conversation avec nos hommes devant le secteur de Bois Commun. Trêve complète. Fureur des Prussiens qui tirent sur les Bavarois. Ceux-ci nous préviennent de l’arrivée de leurs officiers et déclarent qu’ils tireront en l’air, ce qu’ils font en effet.
26 décembre 1914 : Les Bavarois sympathisent toujours devant le secteur du Bois Commun. Trêve absolue.
27 décembre 1914 : La paix continue. Deux officiers Bavarois sont venus à mi-distance des tranchées Filippi. Un de nos hommes s’est approché. La conversation s’est engagée et les officiers Bavarois ont paru tout étonnés d’apprendre que Lyon n’était pas investi par une armée italienne ainsi que le bruit en est répandu dans les tranchées allemandes.

  • 28 décembre 1914 : L’accalmie persiste sur tout le secteur. Au Bois Touffu nous avons pu enterrer 8 morts français remontant au 29 novembre qu’on est allé chercher tout près des tranchées allemandes. Les Bavarois nous préviennent que le Génie prussien va lancer des bombes sur nos tranchées de 1ère ligne.
  • 29 décembre 1914 : Les Bavarois continuent à ne pas tirer et à nous informer de l’arrivée de leurs officiers. Nous en profitons pour placer du fil de fer devant le front de toutes nos tranchées.
  • 30 décembre 1914 : Les relations continuent avec les Bavarois. Elles sont toutefois beaucoup plus restreintes que précédemment. Ils ont prévenu qu’ils ne laisseraient plus travailler à découvert. Un incident se produit devant les tranchées allemandes entre la ferme brulée de Fay et la Palmeraie : un sous-officier et un soldat Prussien porteur d’un fanion blanc sortent de leurs tranchées se dirigeant vers les nôtres. Un officier accompagné d’un homme parlant allemand se porte au-devant du parlementaire. Aussitôt 300 soldats prussiens environ sortent sans armes de leurs tranchées. Sur l’invitation du capitaine, le sous-officier allemand fit arrêter ses hommes. Après une conversation qui a porté sur l’état moral des troupes allemandes qui semble très abattu, le parlementaire a rejoint sa tranchée. Echange de journaux et de cartes de nouvel an.
  • 31 décembre 1914 : La trêve continue toujours et les Bavarois nous laissent travailler à condition, ont-ils dit, que nous ne coupions pas leurs propres réseaux de fils de fer. Dans le secteur de Foucaucourt, malgré les avances faites par les Prussiens, les coups de feu ont continué pendant la nuit.
  • 1er janvier 1915 : Continuation de la trêve. Echange de journaux. Nous en profitons pour fortifier nos défenses accessoires. Constructions de réseaux de fil de fer, chevaux de frise. Les Allemands continuent à ne pas tirer. Devant Dompierre et Foucaucourt, les Prussiens sont dans de moins bonnes dispositions. Des coups de fusils nous arrivent de ces deux directions. À minuit pour fêter la nouvelle année, ils ont tiré de nombreux coups de feux, mais en l’air. Avec l’autorisation des Allemands, quelques cadavres ont été enterrés.
  • 2 janvier 1915 : Continuation de la trêve. Nous continuons à fortifier nos défenses et à enterrer nos cadavres. Les Allemands font connaître qu’ils regrettent de ne pouvoir continuer à causer avec nous, leurs officiers l’ayant rigoureusement défendu. Réparations des tranchées et boyaux par suite des éboulements provoqués par les pluies.
  • 3 janvier 1915 : L’accalmie persiste toujours dans le secteur. On ne parvient que très difficilement à renouer conversation avec les Bavarois. Des relèves fréquentes ont lieu, visiblement les chefs bavarois cherchent à éviter les contacts prolongés avec les mêmes adversaires. Les travaux ont cependant continué à découvert, l’ennemi n’a pas tiré.
  • 4 janvier 1915 : Journée calme. Communications difficiles et hâtives avec les Bavarois. Nous continuons à travailler à découvert sans être inquiétés. Inhumation de cadavres.

Sources : JMO du 99è RI (mémoire des Hommes). Registres matriculaires des soldats villardaires (AD42).
©H&P-Pierre THIOLIÈRE

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