Août 1839 : Pierre Desjoyaux, alors maire de Villars, rappelle à ses administrés et par voie d’affichage public les règles du « vivre-ensemble ».

C’est un étonnant arrêté municipal que Pierre Desjoyaux, maire de Villars fait afficher en ce mois d’août 1839 sur la façade de la mairie et de l’église. Le maire entend ainsi récapituler tous les points « concernant la police, la voirie, la sûreté et la salubrité publique ». Et visiblement il a pris le temps de lister tout ce qui ne va pas dans la commune. À croire que la civilité n’est pas vraiment de règle à Villars à cette époque ! Pas moins de onze articles, dans les domaines les plus divers, sont ainsi placardés à la vue de la population locale, comme un rappel à l’ordre, avec parfois de lourdes menaces et renvoyant au code pénal.
D’abord les cafés devront fermer et on ne pourra plus servir à boire après 22h en période estivale et 21h le reste de l’année. Les aubergistes et les logeurs devront quant à eux tenir un registre à la disposition du maire où figureront les noms de toutes les personnes qui auront passé même une seule nuit à Villars.
Rappel à la loi est fait aux boulangers (concernant plus particulièrement le poids du pain) et autres commerçants qui feraient usage de faux poids ou de fausse mesure. Les chefs d’atelier devront quant à eux s’assurer que leurs ouvriers sont en possession de leur livret d’engagement visé par leurs anciens employeurs.
L’article 4 est plus cocasse puisqu’il interdit aux Villardaires de tirer des coups de revolver ou de fusil, de jour comme de nuit, dans les rues et places publiques !
Avis également aux propriétaires qui ne peuvent ni construire ni réparer aucun bâtiment ni mur de clôture sans autorisation préalable. Idem pour le curage et le creusement des fossés.
Au registre salubrité, il est défendu de déposer des ordures et gravats dans les rues et places publiques. Quant aux latrines, elles ne doivent pas avoir leur entrée donnant sur la voie publique et celles déjà existantes devront être munies de portes fermant hermétiquement !
Au chapitre sécurité publique, les propriétaires ou concessionnaires de mines sont invités sous huitaine à combler ou condamner les ouvertures des exploitations qu’ils auraient abandonnées. Ce qui ne manque pas sur la commune ! De plus les accès aux fendues, carrières ou puits en service devront désormais être entourés de barrières et rester fermés quand on n’y travaille pas.
Des contraventions sont désormais prévues pour les personnes qui passeraient à travers prés et terrains d’autrui, surtout lorsque les terres ont été ensemencées ou chargées de leur récolte (il en coûtera de 6 à 10 francs pour le contrevenant).
Enfin il est précisé que les pères et mères sont responsables de leurs enfants et que les maîtres le sont de leurs commis, ouvriers ou domestiques.
Il appartiendra à l’adjoint au maire (en l’occurrence Jean Baptiste Begon), au garde-champêtre et si besoin à la gendarmerie, de veiller à la bonne application de cet arrêté qui a reçu l’approbation de la Préfecture de la Loire.
QUI ÉTAIT PIERRE DESJOYAUX ?
Tailleur de pierres, concessionnaire de mine ou rentier, selon les périodes de sa vie, Pierre Desjoyaux était un riche propriétaire stéphanois avec une domiciliation au Bois-Monzil qui lui a valu de siéger au conseil municipal à partir de 1833 et d’être nommé maire de Villars de 1837 à 1840.
La commune comptait alors 618 habitants et traversait de grosses difficultés financières avec peu de ressources propres et beaucoup de charges (chemins, instruction publique, presbytère à refaire). Le maire avait d’ailleurs dû se résoudre à faire voter, au mois de mai 1839, une imposition supplémentaire et deux journées de prestation en nature pour chaque habitant ainsi que pour chaque voiture attelée et pour chaque bête de trait ou de selle !
En 1840 Pierre Desjoyaux était également élu à la mairie de Saint-Étienne. Ne pouvant siéger dans deux conseils en même temps, il dut faire le choix d’abandonner Villars pour rejoindre la municipalité stéphanoise. À noter que son frère Étienne a été maire d’Outre Furens de 1833 à 1850.
Sources : délibérations du conseil municipal, archives départementales.
©H&P-Pierre THIOLIÈRE